Guides pratiques ou histoires déclics, les livres-thérapeutes divertissent autant qu’ils soignent. Mais dans lequel se plonger ? Six psys vous recommandent leur “Dr Livre” préféré. Six personnalités vous dévoilent celui qui leur a fait du bien.

On sait depuis longtemps que les livres éclairent, divertissent, cultivent. Il faut désormais compter avec un autre pouvoir : celui de soigner. Et ce, à trois niveaux : le corps, la psyché, l’esprit. Il suffit de mesurer le nombre de guides pratiques envahissant les grandes librairies pour s’en convaincre. Il y en a pour tous les goûts. La « bibliothérapie » débarque donc de façon massive. Où commence-t-elle ? Où s’arrête-t-elle ? Après tout, rire aux éclats à la lecture des aphorismes de Groucho Marx peut s’avérer thérapeutique, quand certains essais savants sur la dépression plongent dans l’ennui et le désespoir. Par ailleurs, chacun a une histoire, unique. Si certains textes peuvent faire choc, ouvrir des brèches, déclencher une prise de conscience chez les uns, ils n’auront aucun impact sur la vie des autres. Dans l’océan de livres qui nous submerge aujourd’hui, on peut toutefois repérer trois grands courants bibliothérapeutiques : les livres de conseils directs ou « self-help », les livres de connaissance de soi, et les fictions qui provoquent des déclics intérieurs.

Les livres de conseils

Les guides pratiques ont particulièrement le vent en poupe. Exercices, listes de questions et situations types détaillées inspirent le lecteur en quête de mieux-être. Jusque-là, on considérait ces ouvrages de self-help comme des purs produits « made in USA-Canada ». On les soupçonnait de marcher sur les plates-bandes des scientifiques et des médecins, et on les considérait comme des manuels simplistes de “savoir-vivre clés en mains”. En France, leur public a longtemps été marginal. “Outre-Atlantique, en revanche, ce vaste mouvement de self-help – qui comprend aussi des groupes d’entraide – représente la première structure de soins, explique le docteur Cungi, psychiatre et spécialiste du stress. Il a généré des connaissances nouvelles sur de nombreux troubles.”

”Ces guides ont des effets bénéfiques dans tous les cas de difficultés psychologiques où des secteurs sains de la personne subsistent », affirme le psychiatre Christophe André. Comprenez donc : pour les troubles anxieux et obsessionnels, la boulimie, les dépendances, etc. Mais, dans les cas de dépression, qui envahit toute la personnalité, c’est plus délicat. Notons cependant que des manuels de self-help abordant les troubles schizophréniques et psychotiques sont sur le point d’être publiés ! Certains éditeurs se montrent mitigés. Abel Gerschenfeld, directeur de la collection “Réponses” chez Robert Laffont, refuse de nombreux titres de self-help : “J’aurais trop de mal à vendre un texte par un : “Là, vous trouverez la solution.” Je crois que les livres ouvrent des portes, enrichissent, mais s’ils contenaient le salut, ça se saurait ! »

Notre sélection :
Savoir développer sa créativité de Brigitte Bouillerce et Emmanuel Carré, Retz.
Anti-déprime, mode d’emploi de Svetlana Crabbé, Marabout.about:blank

Les livres qui aident à mieux se connaître

L’une des qualités majeures du « livre qui soigne » est de favoriser l’identification : le lecteur sait qu’il n’est plus seul, il déculpabilise, sa situation lui paraît tout à coup moins dramatique. Aline, 50 ans, est une adepte de la bibliothérapie. Depuis une vingtaine d’années, elle dévore tout ce qui paraît en psychologie ou développement personnel. ” Dans mes périodes de mal-être, certains livres m’ont carrément apaisée. Les Prodigieuses Victoires de la psychologie moderne (Pierre Daco, Marabout) m’ont aidée à mettre des mots sur des sensations intérieures que je ne comprenais pas.”

En général, les essais qui décryptent une difficulté psychologique font aussi une large place à l’introspection, au récit d’histoires vraies. Il y a aussi les témoignages de « ceux qui s’en sortent » – du cancer ou de la toxicomanie. Encore faut-il que ces textes suscitent l’espoir et incitent à changer. Car, dans la mesure où ils renvoient à des histoires personnelles, ils ne sont encourageants que s’ils invitent le lecteur à chercher lui aussi sa propre vérité, s’ils suscitent les bonnes questions, sans imposer de réponses.

Notre sélection :
Les Guérisons du cœur de Guy Corneau, Robert Laffont.
L’Estime de soi de Christophe André et François Lelord, Odile Jacob.

Ces fictions qui font déclic

Certaines fictions peuvent aussi activer les prises de conscience. Quoique méprisé par une certaine intelligentsia, L’Alchimiste compte parmi les livres qui ont fait bouger le plus de gens. Comme Le Monde de Sophie (Jostein Gaarder, Le Seuil), un voyage original dans les grands concepts philosophiques. « Ces textes reprennent en fait les trois niveaux de la bibliothérapie, analyse Christophe André. Ils donnent des conseils, apportent une connaissance et, en tant que fictions, introduisent une dimension métaphorique. Une vraie recette pour de futurs best-sellers ! »

Bernard Werber, avec son Livre du voyage (Albin Michel), a poussé à l’extrême cet effet thérapeutique. Le texte lui-même s’adresse au lecteur et le prend par la main pour le plonger dans son intériorité. A sa parution, on a parlé d’un « livre-relaxation » : la lecture agissait directement sur les états de conscience de celui qui s’y adonnait.

Notre sélection :
César l’enchanteur de Bernard Montaud, Dervy.
Les romans de Hermann Hesse : Siddharta, Grasset, ou Le Loup des steppes, LGF.

Les livres thérapeutiques

On n’a pas fini de décrypter les vertus thérapeutiques des livres. Rappelons toutefois qu’ils ne peuvent se substituer aux effets puissants de la rencontre humaine, celle d’un être à un autre être – ce que les psychanalystes nomment le transfert ; et que la lecture de conseils ne dispense pas de leur application. Il arrive qu’on lise « y a qu’à » mais que l’on bute sur sa souffrance et son impuissance à changer. Cependant, sur ce chemin chaotique, certains livres sont de vrais compagnons de route. D’ailleurs, pour Christophe André, le livre-thérapeute par excellence, celui qui n’a encore pas fini de nous étonner même s’il a plus de deux mille ans, c’est… la Bible.

Le livre qui leur a fait du bien

Inès de la Fressange, créatrice de mode
« L’Art du bonheur, de Howard Cutler avec le dalaï-lama, m’a vraiment aidée à vivre. Il a été publié dans la collection “Aider la vie”. Ce n’est pas un hasard ! C’est un récit facile à lire, très clair, qui donne une autre vision du monde, des gens, de la vie. Je l’ai offert à plusieurs personnes autour de moi. En fait, si on le lit et qu’on le met en pratique, notre vie se transforme vraiment. On commence à comprendre que les gens réagissent le plus souvent par peur, qu’ils recherchent le bonheur. On les comprend mieux et on les en aime davantage. »

L’Art du bonheur, Robert Laffont, “Aider la vie”.
Inès de la Fressange a écrit Le Livre d’Inès (Anne Carrière).

Patrick Dupond, danseur
« Les Mémoires d’Hadrien, de Marguerite Yourcenar, m’ont aidé dans ma vie amoureuse. C’est l’histoire de la plus belle preuve d’amour qu’on puisse donner à un autre être humain, le témoignage d’un amour toujours debout, qui a défié le temps et les lois sociales, les usages et les bonnes manières. Ce livre, je l’ai lu et relu, et il a fait le tour du monde avec moi. Je suis un grand romantique, mais ça ne passe pas toujours dans le quotidien parce que je suis impulsif, compulsif, imprévisible. Grâce à ce livre, je me suis rendu compte que je n’étais pas le seul, que d’autres que moi étaient aussi fous avec cette rage d’aimer. Et ça m’a fait du bien. »

Mémoires d’Hadrien, Gallimard
Patrick Dupond a écrit Etoile (Fayard).

Claire Chazal, journaliste

« La Plus que vive, de Christian Bobin. Un livre sur la douleur, le manque de l’autre. L’auteur pleure une femme qui lui est chère, qui est morte et qui est restée dans sa mémoire de façon “plus que vive”. Voir la douleur que l’on ressent décrite si précisément et de façon si pudique aide à la supporter. C’est une façon tellement juste de dépeindre des sentiments, le manque de l’autre et l’abandon, que cela exorcise sa propre souffrance. »

La Plus Que Vive, Gallimard, “Folio”.
Claire Chazal a publié A quoi bon souffrir ? (Plon).

Daniel Pennac, écrivain
« Quand ça va mal, je prends n’importe quelle pièce de Shakespeare et j’y trouve toujours une leçon de dynamisme. Quoi qu’il raconte, c’est d’une telle puissance que c’est incroyablement vivant. Chez Shakespeare, les amitiés sont des amitiés, les amours des amours, les trahisons des trahisons : on est dans la vérité vécue en permanence, presque jamais dans la vérité décrétée. Sauf pour la dénoncer. Shakespeare, en fait, c’est un comportementaliste avant l’heure. »

Daniel Pennac a écrit de nombreux ouvrages, dont Comme un roman (Gallimard, “Folio”).

Guillaume Durand, journaliste
« Lord Jim, de Joseph Conrad, m’a aidé à vivre. Son message : l’homme doit se dépasser quelles que soient les circonstances, et la vie est un gigantesque combat. C’est un livre sur l’adversité, la solitude et la nécessité de vivre sa vie comme une aventure et une morale. Je ne sais pas si les mots peuvent guérir les maux. Mais ce qui est certain, c’est qu’ils peuvent aider à ce que le squelette tienne debout. »

Lord Jim, Flammarion.
Guillaume Durand est l’auteur de La Peur bleue (Grasset).

Alexandre Jardin, écrivain
« Quand on se trouve devant une souffrance trop forte, il faut lire Vivre en pleine conscience de Thich Nhat Hanh, bouddhiste et scientifique. C’est un livre qui permet de ne pas sombrer. Si vous aimez quelqu’un et qu’il a un accident de voiture, c’est trop tard pour entreprendre un travail sur soi. Or cet ouvrage est efficace dans ces moments-là. Il permet de tenir l’heure qui suit, la journée qui suit, la semaine qui suit. Jamais un livre ne m’a rendu plus grand service. »

Vivre en pleine conscience, Terre du ciel.
Alexandre Jardin a publié de nombreux ouvrages dont Autobiographie d’un amour (Gallimard).

Le livre que les psys vous conseillent

Juan-David Nasio
Psychanalyste et psychiatre de formation, il dirige la collection “Psychanalyse” aux éditions Rivages. Il a publié Le Plaisir de lire Freud (Payot). Le Prophète de Kahlil Gibran (Guy Trédaniel), parce qu’il propose une solution possible à tous les problèmes de l’existence. Chaque chapitre est consacré à un thème : mariage, amour, mensonge, douleur, honte. Sous une forme poétique, il dit ce qu’est la souffrance et comment la supporter. C’est un livre intime, mais aussi pratique tout en étant d’une grande noblesse. Il m’arrive de le conseiller à ceux qui souffrent. “

Marie-Laure Colonna
Psychanalyste et conférencière, elle est membre de la SFPA (Société française de psychologie analytique) d’approche jungienne.
” Chaque fois que j’ai vu quelqu’un lire Ma vie de Jung (Gallimard, “Folio”), il en sortait apaisé. A notre époque, beaucoup se sentent coupés de leur nature. Or ce livre parle, en termes simples et non “scientifiques”, de l’inconscient et de la vie intérieure. Jung prouve que plus on se connaît soi-même, plus on trouve en soi une forme de sécurité. Il montre aussi comment, dans sa propre recherche, il a trouvé une forme de sagesse et un centre de gravité. “

Geneviève Delaisi de Parseval
Psychanalyste et spécialiste des questions de fertilité et de filiation, elle a notamment publié, avec Suzanne Lallemand, L’Art d’accommoder les bébés (Odile Jacob).
Autobiographie de ma mère de Jamaica Kincaid (Albin Michel). Je l’achète par dix. Tous ceux à qui je l’offre me disent : “Quand on l’a lu, on voit la vie autrement.” Ce livre aide à vivre parce que son auteur, aujourd’hui hyperconnue, est née dans les pires conditions : sa mère est morte à sa naissance. Et elle s’en est sortie. Cela renvoie au concept très actuel de résilience : il y a des épreuves dans la vie, mais on s’en sort grandi. Une leçon d’humanité. “

Willy Pasini
Psychothérapeute, il est professeur de psychiatrie et psychologie à l’université de Genève. Il est l’auteur de Les Casse-Pieds (Odile Jacob).
« Les Aventures de Tom Sawyer de Mark Twain (Nathan, “Bibliothèque des grands classiques”). Tom sait regarder le futur avec curiosité et esprit d’aventure. Il transforme les pépins de la vie en positif. Il sait aussi mettre du piment dans une vie souvent ennuyeuse et donner à l’existence un caractère joyeux. Est-ce un livre thérapeutique ? Absolument. Il transforme la dépression et l’ennui quotidien en une aventure qui mérite d’être vécue. »

J.-B. Pontalis
Psychanalyste, il dirige la collection “Connaissance de l’inconscient”, chez Gallimard. Il est l’auteur des Fenêtres (Gallimard). ”Paradoxalement, je recommande le livre le plus désespéré qui soit : Bartleby le Scribe de Melville (Gallimard). Dès qu’on demande quelque chose à Bartleby, il répond : “Je préférerais ne pas…” faire ce que vous me demandez, être né, vivre. Son patron l’aime beaucoup et essaie de comprendre. Cela peut rappeler la situation de l’analyste devant un patient qui dit toujours non. Il faut souvent aller au plus loin de la douleur pour réveiller les forces de vie qui sont en chacun de nous. »

Catherine Mathelin
Psychanalyste, docteur en psychologie, elle est spécialisée dans la psychanalyse de l’enfant et a écrit Qu’est-ce qu’on a fait à Freud pour mériter des enfants pareils ? (Denoël).
« Le livre de Françoise Dolto, La Difficulté de vivre (Gallimard), ressource et redonne un sens aux événements de la vie, en particulier la maternité. Il aide à repérer des richesses en soi. Il explique les droits de l’enfant, ce qui se passe durant une naissance. Quand vous êtes complètement bouleversée parce que votre enfant vient de naître, lire ce livre remonte le moral. Vous vous dites que vous n’êtes pas la seule à avoir des difficultés. Cela aide drôlement à vivre. »

L’effet Coelho

Yukima, 41 ans, a abandonné son métier d’ingénieur pour se consacrer à la musique. Alexandra, 43 ans, responsable de communication, part à Hollywood pour réaliser son rêve : devenir actrice. Leur point commun ? Ils ont tous deux lu et mis en pratique les préceptes de L’Alchimiste, de Paulo Coelho (Anne Carrière. Disponible en poche chez J’ai lu). C’est pour comprendre les raisons de son succès phénoménal – près de quinze millions d’exemplaires dans cent pays – que le sociologue Frédéric Lenoir a décidé de réaliser un documentaire télévisé sur des lecteurs des quatre coins du monde. Selon lui, Paulo Coelho véhicule plusieurs messages. D’abord la confiance en la vie et en sa bonne étoile. « Quand vous avez identifié votre légende personnelle, tout l’univers conspire pour que vous puissiez la réaliser », dit en substance l’écrivain brésilien. « Oui, ce livre aide à vivre, conclut Frédéric Lenoir. Car c’est un appui considérable de croire que l’on est relié à l’univers. Pour beaucoup, cela a transformé leur vie. » https://1daf95f729fb7bf4dbd45e3359fe8b70.safeframe.googlesyndication.com/safeframe/1-0-37/html/container.html

Une lecture, moins de séances

En France, les grands spécialistes des thérapies comportementales et cognitivistes déroulent un tapis rouge aux livres de « self-help ». Certains sont même prescrits en thérapie. Grand initiateur de cette vague, le psychiatre Christophe André. Il vient de créer une collection, “S’aider soi-même” (Odile Jacob), qui s’enorgueillit de titres déjà fort bien accueillis par le public. Depuis 1980, il réfléchit aux moyens de faire passer toujours plus d’informations à ses patients. ” Je les considère comme des partenaires à part entière, car l’implication de la personne fait partie de son traitement. »

Non content de distribuer en fin de séance des polycopiés sur la phobie sociale ou l’anxiété, Christophe André a répertorié une trentaine d’ouvrages. Sa liste inclut aussi bien le manuel S’affirmer et communiquer , de Jean-Marie Boisvert et Madeleine Beaudry, que le livre pour enfants Max est timide, de Dominique de Saint-Mars et Serge Bloch. ” Le livre peut d’abord servir de test-diagnostic, explique le psychiatre. Je demande au patient de le lire dès les premières séances afin de savoir s’il se reconnaît ou non dans les troubles décrits. Je peux aussi lui demander de travailler tel chapitre chez lui, avec exercices à l’appui. Je pense de toute façon que le gros du changement chez le patient se fait en dehors des séances. “

Certaines études – notamment sur l’agoraphobie avec crises de panique – ont confirmé l’efficacité des guides pratiques et des résultats probants ont pu être identifiés (notamment une étude du “British Medical Journal” sur le livre “La boulimie : s’en sortir repas après repas” de U. Schmidt et J. Treasure, Estem). « La lecture de tels ouvrages peut permettre une réduction notable du nombre de séances », affirme Christophe André.

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